La crise boursière (puis financière, puis économique) contraint le patronat, pour se renflouer, à ponctionner notre travail par tous les moyens. A Capgemini, la direction cherche donc, depuis quelques semaines, à déployer la mobilité en grand, notamment vis-à-vis de ceux d’entre nous qui sont en « intercontrat » les contraignant à accepter contre leur volonté des missions parfois dévalorisantes et qui les éloignent de leur domicile…

1. L’employeur doit nous donner du travail

La mobilité commence par une mission. C’est une des obligations que l’employeur contracte en signant avec nous un contrat de travail : il doit nous procurer une activité. A l’inverse, il est en faute lorsqu’il ne nous en fournit pas.

2. Quelles sont nos droits et obligations ?''

Une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur la faculté d’en étendre unilatéralement la portée : Cass. soc. 14 octobre 2008, n°06-46.400

Refuser ou conditionner une mission peut être assimilé par la direction à un manquement à nos obligations de salariés. De là à justifier un licenciement, il n’y a qu’un tout petit pas…

Contractuellement, le salarié doit tout faire pour que la mission se déroule conformément aux besoins du client et aux objectifs de la société. Parmi les obligations de l'employeur, figure la nécessité de tenir compte des contraintes du salarié pour éviter de lui causer un préjudice. L’ensemble de ces paramètres, parfois contradictoires, doit s’examiner selon le « principe de proportionnalité » : l’employeur ne peut infliger un sacrifice sans commune mesure avec la mission, mais à l’inverse, le salarié ne peut sous-estimer la nécessité, pour l’entreprise, de maintenir son activité.

a) Sur le contenu de la mission

Si la mission ne correspond pas au profil du salarié, celui-ci doit attirer clairement l'attention sur le risque d’insatisfaction du client. L'ordre de mission, règlementaire et rigoureusement obligatoire, comporte une zone « observations » où le collègue peut consigner ses remarques.

Pour neutraliser le risque, l'employeur met en œuvre les moyens nécessaires, préalablement à l'engagement de la mission ou dans des conditions qui ne la compromettent pas. S’il n’agit pas en ce sens alors que le salarié a souligné un problème, l’échec éventuel de la mission tendra à relever de la responsabilité de l’entreprise.

b) Sur les conditions de réalisation de la mission

Tout déplacement est soumis au remboursement des frais[1]. Le salarié a le choix entre le forfait ACOSS à 62 € par jour ou les frais réels, plafonnés et remboursés sur justificatif[2]. Bien sûr nos employeurs font tout pour imposer le forfait ACOSS, dans la mesure où les frais réels s’avèrent souvent plus favorables pour le salarié.

De plus, tout trajet lointain « fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière »[3]. Obligatoire, cette disposition est rarement présentée aux collaborateurs. En cas de recours juridique, elle serait gagnante dans tous les cas, rétroactivement sur 5 ans…

Enfin, si le salarié assume des contraintes personnelles, par exemple d’ordre familial ou sanitaire, il doit les signaler. L'entreprise, de son côté, a l’obligation de s'assurer que le déplacement ne porte pas atteinte au droit du salarié « à une vie personnelle et familiale »[4].

3. Gestion par le stress…'

L’expérience montre qu’une proposition de mobilité se fait souvent de façon brusque, voire menaçante et sans tenir compte de la vie du salarié. Intimidations du genre « T’as qu’à m’envoyer un mél de refus. Tu verras comment la direction l’utilise ! », délais de réponse de moins d’une heure, harcèlement téléphonique pour exiger une acceptation immédiate…

Ces comportements relèvent d’une gestion reposant sur la déstabilisation du subordonné par son responsable. Ils sont abusifs et condamnables. Vous devez les refuser, par exemple en quittant l’entretien, en les retranscrivant par mél avec un Délégué en copie visible, ou encore en vous adressant publiquement à votre CHSCT. Cela calmera assurément ceux qui, souvent par pure misère intellectuelle, commettent ce type d’exactions.

4. … Ou par le bluff

Mais les récentes semaines écoulées mettent aussi en évidence un autre phénomène : dans un nombre non négligeable de cas, pour peu que le salarié évite le piège du refus, la « menace » d’un déplacement durable et lointain n’est suivie d’aucun déplacement effectif. Cela laisse supposer que, malgré la « grande attention portée au développement personnel des collaborateurs »[5], notre hiérarchie pourrait viser un autre but : nous amener à un acte utilisable pour nous sanctionner, voire nous licencier.

5. Le bon réflexe

En somme, dans une telle situation, le bon réflexe est de vous tourner vers vos délégués, sans délai et avant toute réponse, y compris en informant votre hiérarchie de cette démarche…

Notes

[1] Convention collective, Article 50, Frais de déplacement : « Les déplacements hors lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l’occasion d’une charge supplémentaire ».

[2] Note Capgemini « Modalités de remboursement des frais relatifs aux déplacements professionnels ».

[3] Code du travail, article L3121-4, alinéa 2.

[4] Cassation Sociale, 14 octobre 2008, n° 07-40523.

[5] Capgemini 1967 2007 Une histoire d’hommes, Editions Castor & Pollux, octobre 2007, page 149.